Appel à candidatures des Correspondants AFR

Les enjeux en matière de politique des drogues

1 000 milliards de dollars ! C’est l’estimation du coût annuel de la lutte contre les drogues dans le cadre du régime international de contrôle des drogues tel qu’il est en vigueur depuis le début des années 70. Un régime qui repose sur une motivation unique : la criminalisation des personnes qui produisent, vendent, partagent ou consomment de la drogue. 1 000 milliards de dollars pour… créer un « monde sans drogues », aux termes de l’appel lancé en 1998 à l’issue de la Session extraordinaire de l’assemblée générale des Nations unies (SEAGNU) consacrée à la lutte contre les stupéfiants. Le résultat est connu de tous : un échec historique.

  • Echec en matière de production et de consommation :
    243 millions de consommateurs de drogues dans le monde en 2012 selon l’ONUDC ; une production illégale d’opium qui a augmenté de 380% depuis 1980 ; la prolifération des new psychoactives substances (NPS), les nouvelles substances psychoactives qui sont offertes à la vente sur le net dans une proportion très supérieure à l’offre traditionnelle de drogues illicites.
  • Echec en matière de droits humains :
    un quart des 9 millions de personnes incarcérées dans le monde le sont pour des infractions aux lois sur les stupéfiants ; plus de 1 000 personnes condamnées à mort et exécutées chaque année pour ces mêmes infractions assimilées à des crimes ; une guerre aux drogues qui cache souvent une guerre contre les minorités ethniques : « créoles » de l’Ile Maurice, Hazaras d’Afghanistan, noirs et métis du Brésil, c’est aux Etats-Unis que cette réalité est la plus visible, un pays où les Afro-américains, qui représentent 13% de la population, comptent pour un tiers des arrestations liées aux drogues et 37% des détenus.
  • Echec pour la paix, la sécurité et le développement :
    la prohibition alimente un marché mondial de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui nourrit criminalité organisée, groupes rebelles, paramilitaires et terroristes. Les premières victimes de cette insécurité chronique sont les voisins, parents, éducateurs, prêtres, paysans, assassinés, par milliers sous les tirs croisés de la pègre et des polices corrompues, comme c’est le cas des 100 000 morts au Mexique depuis 2006. La violence générée par la guerre à la drogue est exponentielle au point de déstabiliser aujourd’hui des régions entières en Amérique latine, en Afghanistan/Pakistan et dans la zone sahélienne.
  • Et bien sûr, échec sanitaire,
    que nous connaissons bien en réduction des risques liés à l’usage des drogues tant il est un des fondements initiaux de notre engagement. La RdR dénonce sans relâche, depuis près de 30 ans, les obstacles idéologiques dressés par les croisés antidrogues, notamment en matière de risques infectieux.

N’en jetez plus ! Les trois rapports publiés par la Global Commission on Drug Policy depuis juin 2011 ont très clairement démontré tout cela. Et pire encore : ses effets néfastes sur la santé et le bien-être des populations. Oui, « la guerre aux drogues est perdue », et bien perdue, pour reprendre le propre constat de la Global Commission. Il est plus que temps de laisser place à de nouvelles approches.

Et la France ? C’est là que le bât blesse : nous sommes malheureusement dans un pays qui semble assez éloigné du mouvement mondial préconisant de nouvelles solutions – au-delà de quelques aménagements mineurs obtenus d’arrache-pied par la RdR, mais néanmoins toujours bons à prendre, et inscrits dans le projet de loi de santé publique qui sera discuté au Parlement en 2015.

En 2015, le monde entier se prépare à la SEAGNU de 2016 qui sera consacrée à la révision de la politique internationale de contrôle des drogues. En 2015, la France se contentera, s’il n’y a aucun accident de parcours d’ici là, d’ajouter une « expérimentation » (3 malheureuses salles de consommation à moindre risque) au paquet de RdR – « expérimentations » dont l’efficacité a été largement prouvée ailleurs, y compris chez nos voisins proches, et ce depuis un certain nombre d’années.

Voilà les enjeux, tant internationaux que nationaux.

L’AFR et la politique des drogues

C’est pour cette raison que l’AFR a décidé de se transformer en organisation de la société civile française engagée dans une révision radicale de la politique des drogues dans notre pays. Ce fut la résolution votée lors de notre assemblée générale extraordinaire de juin 2013 ; puis, ce furent nos dernières Rencontres Nationales en octobre 2014, dont la thématique politique fut bien la guerre aux drogues. C’est maintenant le temps de l’action en proximité, là où nous agissons déjà en tant qu’acteur de la RdR ou en tant que militant engagé contre la guerre aux drogues.

Nous en sommes conscients au regard du constat dressé plus haut : notre pays est à des années lumières d’un débat politique et sociétal mature sur la politique des drogues. Il reste ancré dans un logiciel moisi, le même que celui qui inspire le régime international tant dénoncé. Les très rares personnalités politiques qui ont tenté de percer cette bulle hypocrite se sont faites immédiatement rabrouées, si ce n’est sanctionnées. C’est en quelque sorte le régime de la terreur qui règne, plus personne n’osant s’exprimer publiquement sur le sujet, à droite comme à gauche. Terreur symbolisée par le mot d’ordre unanime, tel un commandement divin : « à cadre légal constant », régulièrement répété depuis les années 90. Toutefois, afin de ne pas risquer l’implosion, gouvernements de droite comme de gauche ont malgré tout installé une soupape, en saisissant notre approche novatrice sur les drogues, c’est-à-dire celle de la RdR. Ils ont effectivement répondu, en partie, aux demandes que nous formulions en réponse à une urgence sanitaire : Programme d’échange de seringues (PES), Traitements de substitution aux opiacés (TSO) , Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques liés aux usages de drogues (CAARUD) pour ne citer que ces outils, qui ont permis de créer un espace de tolérance. Mais pour circonscrire ces bulles d’oxygène, ils se sont empressés de les enrober d’une pellicule de médicalisation, tel un comprimé. En dehors de la prévention et de la prise en charge des addictions, avec des services de RdR comme maillon de la chaîne, point de salut et fermez le ban ! Les contorsions sémantiques traduisent cet enfermement biomédical, à commencer par l’intitulé même des outils signifiant ou incarnant cette politique : « MILDECA » pour la structure administrative de coordination de la lutte par l’Etat, ou encore « Réduction des risques et des dommages » pour les professionnels de santé, ou même « Réduction des risques et traitements en addictologie » pour le ministère de la Santé. Oui, le message qui nous est adressé est clair : n’allez pas plus loin et restez bien dans les clous de la médicalisation – et si vous ne le comprenez pas, c’est que vous vous accrochez à l’espoir « désuet » de vouloir changer le monde, pour reprendre le qualificatif employé par la présidente de la MILDECA aux Rencontres Nationales organisées par l’AFR en octobre dernier.

Eh bien non, nous ne nous résignons pas et nous affirmons vouloir changer de logiciel, en poussant jusqu’au bout de sa logique le mouvement politique initié par nous, les acteurs originels de la RdR. Nous affirmons vouloir sortir, aujourd’hui, de la cage dorée dans laquelle nous sommes enfermés. Nous affirmons vouloir poser, sans le prétexte unique de l’urgence sanitaire, la question de la politique des drogues. Nous affirmons qu’il est temps de sortir définitivement du paradoxe créé par la coexistence d’une loi faible – la loi de santé publique de 2004 et le corpus médico-technocratique qu’elle a généré – et d’une loi plus forte que jamais – la loi répressive de 1970.

Puisque la politique des partis ne le permet pas, ouvrons le chantier de la politique initiée par la société civile. Allons expliquer l’échec désastreux de cette politique de contrôle des drogues. Allons outiller l’opinion publique – tout en continuant à distribuer nos seringues. Voilà notre feuille de route, telle qu’elle a été annoncée en clôture des Rencontres Nationales le 15 octobre 2014.

Les correspondants de l’AFR

Outiller l’opinion publique, c’est être au plus près des populations, des habitants, là où ils sont. Nous nous méfions des mots d’ordres uniquement verticaux, du haut vers le bas. Surtout dans un monde relativement désenchanté par la chose publique et la politique. Il est donc important pour l’AFR, en tant qu’organisation de la société civile portant le débat national sur la politique des drogues, de se doter d’un réseau de correspondants.

C’est quoi ?

Les correspondants joueront un rôle essentiel dans la déclinaison locale des campagnes de l’AFR, en particulier en matière de débats publics sur la politique des drogues. Ils auront en particulier pour mission :

  • D’identifier et accompagner des relais d’opinion locaux (dont ceux de la presse quotidienne régionale).
  • De construire des alliances locales, avec d’autres acteurs de la société civile (associations de quartier par exemple).
  • D’impliquer des décideurs locaux (si les organes centraux des partis politiques nationaux sont figés sur le logiciel répressif, les échelons locaux sont plus ouverts à une approche pragmatique, fondée sur les évidences).

C’est qui ?

Il s’agit de personnes physiques, dont l’engagement militant ou professionnel est fortement ancré dans la RdR militante, dans la politique des drogues ou dans la lutte contre les discriminations. L’éventail des profils est large : intervenants CAARUD, personnes concernées par la politique des drogues à n’importe quel titre, usagers, ex usagers, conjoints, proches, relais d’opinion, mais aussi policiers ou anciens policiers, militants des « quartiers » scandalisés par la généralisation des contrôles au faciès, élus, magistrats, notables…

Nous ne cherchons pas à représenter la RdR en région mais plutôt à constituer un réseau de militants engagés sur le programme suivant, dans une dynamique proche de celle des réseaux sociaux :

  • faire bouger la politique des drogues en France,
  • maintenir un espace de réflexion et d’action qui ne soit pas uniquement centré sur la prévention et la prise en charge des addictions.

Comment ?

Les personnes intéressées et volontaires pour devenir correspondant/e de l’AFR sont invitées à envoyer une lettre de candidature. Cette lettre devra en particulier présenter vos motivations et votre intérêt en matière de politique des drogues. Vous la compléterez par une description de votre parcours militant (qu’elles qu’en soient les traductions opérationnelles : bénévole, salarié, autre statut).

Les candidatures sont à envoyer au coordinateur de l’AFR par courrier postal ou par mail avant le 31 décembre 2014.

Les dossiers reçus seront analysés par un comité de sélection composé des membres du bureau de l’AFR et de l’équipe salariée.

Les futur/es correspondant/es seront invités en début d’année 2015 à une session de formation de 2 jours à Paris (format week-end), à l’issue de laquelle les stagiaires seront en capacité de :

  • connaître les évidences diagnostiquant l’échec des politiques de contrôle des drogues au niveau mondial et au niveau national (France)
  • maîtriser une présentation pédagogique de ces évidences (contenus et format) à destination de l’opinion publique ou de segments spécifiques de l’opinion ou de représentants d’autres organisations
  • définir des modalités d’interventions à l’échelle de leur territoire
  • intégrer un système de fonctionnement avec l’équipe AFR pour la déclinaison des campagnes publiques

La formation constituera aussi une opportunité de définir ensemble l’adaptation de l’argumentaire de la campagne, en particulier le dosage entre les arguments sécuritaires, économiques et sanitaires.

Les correspondants seront accompagnés au long cours et dans certaines de leurs interventions par le chargé de plaidoyer de l’AFR et des membres du CA (en particulier lors des débats publics).

A l’issue de la formation, les correspondants seront inscrits dans un réseau virtuel animé par le chargé de plaidoyer de l’AFR, en lien avec le bureau et le CA de l’AFR.

A minima, un séminaire annuel sera organisé avec les correspondant/es de l’AFR (en plus des Rencontres Nationales).

1 réflexion au sujet de « Appel à candidatures des Correspondants AFR »

  1. bonjour
    savez vous s’il existe un correspondant AFR pour la bretagne? dans le cadre d’une journée sur la RDR nous souhaiterions le solliciter.
    bien cordialement
    dr guillery xavier

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