La Chambre Syndicale des Cabarets Artistiques et Discothèques de France, avec le soutien du réseau européen Party+, a organisé des échanges impliquant des acteurs de la fête de villes et régions européennes (associations de prévention, élus locaux et fonctionnaires territoriaux, professionnels de la fête) en vue d’améliorer les politiques de régulation de la vie festive nocturne :
- Réalisation en 2012 d’un recueil européen de données. En complément d’une revue de littérature, 11 experts de 8 pays européens(France, Belgique, Luxembourg, Portugal, Espagne, Suisse, Pays-Bas, Italie) avaient alors témoigné de leurs situations locales ;
- Animation d’une table ronde dans le cadre de la conférence européenneNights 2013 (Padou, Italie – 27/09/2013) à laquelle ont participé 160 acteurs de la fête de 15 pays européens ;
- Organisation de la rencontre Nightlife 2014 (Paris, France – 20-21/02/2014) à laquelle ont participé des acteurs de la fête de 5 pays européens (France, Belgique, Zürich, Amsterdam, Tarragone/Catalogne).
Lors de ces échanges, les thématiques suivantes ont été abordées :
- Le cadre réglementaire et les politiques d’application de la loi ;
- La réglementation sur l’alcool ;
- Les politiques en matière de drogues illicites ;
- La formation des professionnels de la fête ;
- Les chartes et labels de promotion de la santé en milieux festifs ;
- Les discriminations à l’entrée des établissements ;
- La médiation nocturne ;
- Les stratégies de communication ;
- Les réseaux européens.
Un certain nombre de constats et recommandations ont fait consensus lors de ces échanges.
Pour une approche positive de la fête
La fête est une richesse pour les villes européennes, pour leur image, leur attractivité touristique, leur développement culturel et économique. C’est aussi un temps qui permet aux jeunes européens (et au moins jeunes) de construire leur identité, de se socialiser et de prendre du plaisir. La fête n’est pas uniquement une série de problèmes à traiter : conduites à risques, nuisances sonores ou troubles à l’ordre public. La fête est aussi synonyme de liberté, de magie et de rêve, elle est en développement au même titre que les loisirs, elle se veut active, dynamique, créative et ce malgré une réglementation de plus en plus contraignante.
Il est donc nécessaire de promouvoir une vision positive de la vie festive nocturne. Les politiques de régulation de la vie festive doivent respecter des valeurs de tolérance, soutenir les professionnels de la fête et accompagner les fêtards dans leur parcours de vie, afin de réduire les risques liés aux pratiques festives plutôt que de tenter vainement de les éradiquer par des attitudes strictement répressives. Il est important de développer des stratégies de communication positive afin de sensibiliser les professionnels de la fête, les fêtards et les citoyens au respect des uns et des autres, de la santé, de l’environnement, des riverains et à la solidarité entre fêtards.
Pour une approche transversale de la fête
La fête est un phénomène transversal qui implique différentes politiques : Culture, tourisme, réglementation, sécurité, santé, environnement, jeunesse, commerce, emploi, transport, etc.
Seules des politiques intégrées et participatives peuvent répondre de manière cohérente à l’ensemble des besoins générés par la vie festive nocturne. Les partenariats rassemblant l’ensemble des acteurs institutionnels, associatifs, économiques et syndicaux permettent de comprendre les besoins, intérêts et ressources de chacun, ainsi que d’élaborer et mettre en œuvre les stratégies communes qui font consensus. Ces partenariats favorisent la prévention des problèmes en amont.
Il est important de favoriser l’émergence de la parole des fêtards au sein des partenariats : focus groupes, éducation par les pairs ou, comme à Amsterdam, élection du « Maire de la Nuit » parmi les fêtards ayant un rôle consultatif auprès de la municipalité.
Dans de nombreux cas, la recherche d’accords entre les acteurs est préférable à la loi, car ils offrent des solutions plus adaptées aux besoins et ressources disponibles et mieux appropriées par les acteurs. Afin d’accompagner et soutenir les professionnels de la fête dans leurs responsabilités vis-à-vis de la sécurité de leurs clients et du respect de leurs riverains, il est préférable de les engager sur des obligations de moyens plutôt que de résultats. De nombreux outils existent pour soutenir ce type de démarche, comme les chartes ou labels de promotion de la santé en milieux festifs en vigueur à Bruxelles, Paris, Tarragone ou Zürich, offrant une approche globale et participative efficace.
Pour une approche pragmatique de la fête
La fête est un phénomène complexe et apparaît très segmentée en fonction des âges, des milieux sociaux, des sexes, des orientations sexuelles, ce qui crée l’émergence de toute cette diversité des lieux à la fois concentrés pour les uns et dispersés pour les autres. Face au climat économique et à la complexité induite par une réglementation de plus en plus lourde on observe des effets négatifs. Plus la réglementation sur les établissements de nuit s’alourdit, plus les publics à risques se détournent des établissements pour faire la fête dans des lieux moins sécurisés et moins bien encadrés : domicile, espace public, friche industrielle, etc. On observe également dans certaines villes européennes que l’augmentation des restrictions sur la vente et la consommation d’alcool peut entraîner des hausses de consommation de drogues illicites telles que GHB ou ecstasy.
Lors de toute élaboration de nouvelles réglementations, il est donc indispensable d’établir un diagnostic intersectoriel partagé, d’expérimenter sur des sites pilotes ou pendant des périodes d’essai ces réglementation afin d’évaluer leur impact sur la santé, la sécurité, la tranquillité des riverains, l’emploi ou sur l’économie de la fête.
D’une manière générale, il serait préférable d’appliquer une réglementation plus adaptée aux milieux festifs donc moins lourde et plus centrée sur l’écoute et la médiation.
Pour une approche locale et européenne
Le niveau local (ville, région) est le plus pertinent pour définir et mettre en œuvre les politiques de régulation car c’est le niveau le plus proche des réalités du terrain.
Mais les différences réglementaires entre les pays et régions rendent les règles confuses pour les fêtards qui se nomadisent de plus en plus pour faire la fête d’un pays à un autre. Cette confusion est surtout observable dans les régions transfrontalières. Il est donc nécessaire de définir et promouvoir un cadre européen harmonisant les politiques, qui puisse s’adapter aux réalités locales, tout en développant une visibilité et des outils de communication reconnaissables dans toute l’Europe.
Par ailleurs, il apparaît indispensable de soutenir les échanges de bonnes pratiques de régulation de la vie festive nocturne à l’échelle de l’Union Européenne ainsi que leur dissémination à travers les villes et régions européennes. Depuis la fin des années 90, les associations de promotion de la santé en milieux festifs (NEW Net, TEDI) ainsi que des centres de recherche (Club Health) ont créé des réseaux pour échanger et promouvoir leurs connaissances et leurs pratiques. Au milieu des années 2000, les villes et régions ont à leur tour développé des projets et réseaux en partenariat avec les réseaux de santé (Party+, EFUS, DC&D). Plus récemment, des projets de médiation nocturne ont initié des échanges et souhaitent créer un Conseil européen de la nuit (EuroCouncil of the Night)
Il est souhaitable que les organisations de professionnels de la fête ainsi que les services de police ayant en charge la vie festive nocturne suivent le mouvement et créent leurs propres réseaux thématiques.
Ainsi il sera possible d’aller vers une coordination des réseaux européens thématiques représentant l’ensemble des acteurs concernés et partageant la même vision de la fête.