En juin 2001, le Conseil national du sida présentait un rapport sur les politiques des drogues et adoptait un avis suivi de recommandations [1]. Le Conseil dressait l’inventaire des freins au déploiement de la réduction des risques infectieux et suggérait une évaluation de la prise en charge des risques ainsi qu’une évolution des politiques relatives aux drogues illicites au regard de leur impact sur la stratégie de réduction des risques (RdR).
Adoptée par le Conseil national du sida le 20 janvier 2011 à l’unanimité des membres présents.
A l’occasion du quarantième anniversaire de la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses, le Conseil national du sida a souhaité faire le point sur les politiques relatives à la réduction des risques et plus largement sur les politiques de santé des drogues et des addictions en France. Le Conseil a organisé une journée d’étude en novembre 2010 et adopte ce jour une note valant avis.
Cette prise de position du Conseil intervient alors que des chercheurs de premier plan ont alerté les gouvernements et l’opinion dans une déclaration solennelle, dite Déclaration de Vienne [2], sur le risque d’une épidémie d’infections virales (VIH/sida, virus des hépatites B et C) en forte progression dans plusieurs régions du monde au sein de la population des usagers de drogues. Les chercheurs ont également souligné les limites sanitaires et sociales des politiques répressives à l’encontre des usagers de drogues et émis des recommandations.
Depuis la publication de l’avis du Conseil en 2001, plusieurs évolutions favorables au développement de la réduction des risques sont intervenues et ont eu une incidence sur la lutte contre le VIH/sida en France. En dépit d’avancées certaines, le bilan apparaît toutefois extrêmement nuancé.
Les politiques de réduction des risques ont été reconnues au plan français [3] et international [4]. Selon la loi du 13 août 2004, la réduction des risques en direction des usagers de drogues vise à prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose de drogue intraveineuse et les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie par des substances classées comme stupéfiants.
L’offre de réduction des risques s’est élargie avec la distribution ou la vente, initiée en 1987, de quinze millions de seringues par an, en grande majorité dans des pharmacies de ville, le regroupement des structures de réduction des risques au sein de centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues (CAARUD) [5], au nombre de 133, et la prise en charge de la réduction des risques dans une partie des quelques 500 centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) [6], centres médico-sociaux chargés de l’accueil et de la prise en charge des personnes présentant une relation de dépendance notamment aux drogues.
Les stratégies de réduction des risques, qui reposent sur l’information, sur l’accès au matériel d’injection stérile (seringues en vente libre, matériel d’injection stérile Stéribox®, programmes d’échanges de seringues) et sur la diffusion des traitements de substitution aux opiacés (TSO), expliquent en grande partie le ralentissement de la progression de l’épidémie d’infection à VIH au sein de la population des usagères et usagers de drogues. La prévalence du VIH parmi les usagers de drogues par voie intraveineuse atteint 15% au début des années 2000 et 7% en 2008 [7]. En 2008, le nombre annuel de nouvelles infections par le VIH liées à l’usage de drogues par voie intraveineuse a été estimé à 70. [8] Ce nombre de nouvelles infections est relativement stable entre 2003 et 2008. [9]
Ce constat positif doit toutefois être nuancé. Tout d’abord, les politiques relatives aux drogues n’ont pas entrainé de diminution de leur usage. La consommation de cannabis, stabilisée à un niveau élevé, connaît une légère baisse depuis les années 2002-2003 [10], principalement chez les jeunes [11]. L’usage des drogues illicites demeure précoce [12] et celui-ci se banalise, y compris en milieu de travail ordinaire [13]. En outre, la consommation de plusieurs autres substances illicites augmente. Depuis 2000, la diffusion de l’usage de cocaïne sur le territoire français ne cesse de s’élargir [14] alors que l’héroïne est de plus en plus disponible [15] et expérimentée [16], après une diminution d’usage à la fin des années 1990. [17] L’évolution des prix médians de la cocaïne, de l’héroïne et de l’ecstasy est à la baisse entre 2000 et 2009. [18]
Ensuite, les politiques publiques n’ont pas permis d’améliorer significativement la situation des usagers de drogues. Il persiste une frange de population en situation de vulnérabilité sociale et sanitaire importante pour laquelle l’offre de réduction des risques apparaît insuffisante. La transmission des virus des hépatites B (VHB) et C (VHC) demeure conséquente chez les usagers de drogues injectables (UDI), en dépit d’un fléchissement observé depuis le début 2000 [19]. En 2004, le nombre de personnes séropositives au VHC dans la population métropolitaine âgée de 18 à 80 ans et ayant utilisé au moins une fois de la drogue par voie intraveineuse ou nasale était établi à 105 000 (40 000 – 154 000) [20].
La co-infection VIH-VHC apparaît tout autant préoccupante : neuf usagers de drogues positifs au VIH sur dix le sont également au VHC [21] et la prévalence de cette co-infection en France demeure l’une des plus élevées d’Europe [22].