Comment est née l’Association ?
Créée en 1983, à l’initiative de quelques familles directement concernées par le problème de toxicomanie, l’Association s’appelait A.F.A.L.T. (Association Familiale de Lutte contre la Toxicomanie). Le fonctionnement était basé sur le bénévolat et l’activité essentiellement orientée vers l’accueil des familles.
A l’Assemblée Générale de 1989, l’Association a changé d’appellation pour devenir “S.O.S. Toxicomanie 39”. Des professionnels du champ médical, social et scolaire se sont investis à titre bénévole dans l’activité. Une psychologue vacataire a été embauchée. L’accueil s’est ouvert à un public plus large (usagers occasionnels, toxicomanes, familles, professionnels), mais restait limité au secteur de Lons-le-Saunier ; des actions de prévention ont commencé à se réaliser de façon ponctuelle.
En 1991, face à l’accroissement des demandes, à l’évolution progressive de l’activité et la difficulté de répondre de manière adaptée à la problématique toxicomaniaque, la nécessité d’élargir et de professionnaliser l’équipe s’est fait ressentir. Avec l’appui de la D.D.A.S.S. ont été recrutés un éducateur à plein temps, une psychologue à mi-temps, une secrétaire à quart temps.
Avec l’arrivée des professionnels, un changement de nom a paru nécessaire : “S.O.S. Toxicomanie 39” représentait une éventuelle intervention dans l’urgence, alors que l’objectif est un accompagnement dans la durée. Le symbole “Toxicomanie” risquait de mettre au second plan la problématique globale de l’individu, et constituait une gêne pour les actions de prévention.
Afin d’acquérir une identité moins stigmatisante, l’Association est devenue Passerelle 39 avec un nouvel objet :
« L’Association dite “PASSERELLE 39”, Centre Spécialisé de Soins, a pour objet d’intervenir dans les domaines de l’usage, de l’abus, de la dépendance des substances psycho-actives. Elle accueille toutes personnes concernées et apporte son soutien aux actions visant à prévenir ces comportements et leurs conséquences dans le Jura».
En 1997, Passerelle 39 a acquis le statut de Centre Spécialisé de Soins pour Toxicomanes. A cette occasion, l’équipe s’est étoffée grâce à l’embauche d’un infirmier et des vacations de médecins généralistes. Un programme d’Échanges de seringues est également mis en place sur Lons Le Saunier et Dole.
En 2000, à la demande de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Jura, une consultation médico-psychologique d’aide à l’arrêt du tabac est proposée au public jurassien dans les mêmes locaux que ceux du centre de soins.
En 2001, des actions de réduction des risques en milieu festif prennent de l’ampleur avec la création du Collectif “Ensemble, limitons les risques”. Avec des membres de Sida Solidarité 39, du Centre Briand et du Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie de Dole, professionnels et bénévoles assurent des stands d’information lors de concerts. Du matériel (préservatifs, éthylotests, bouchons anti-bruits) sont mis à la disposition du public. Un lieu d’écoute et de détente permet de créer des liens avec les usagers qui n’ont pas l’habitude de fréquenter l’Association
Avec la loi du 2 janvier 2002, notre secteur s’est vu renforcé, en inscrivant nos structures, dans le champ du secteur médico-social. La partie C.S.S.T. (Centre Spécialisé de Soins pour Toxicomanes) de l’Association a reçu un agrément du CROSMS pour ses activités de soins.
En 2004 dans le cadre du plan quinquennal de la MILDT un retour à un traitement du phénomène drogue par produit est décidé. Dans ce sens des consultations pour jeunes consommateurs de cannabis et autres drogues sont mises en place. Passerelle 39 s’est à nouveau adapté pour proposer des heures d’ouvertures spécifiques sur Lons et Saint-Claude à ce jeune public et aux familles.
En 2005 le Centre de Soins a travaillé sur une sensibilisation aux Hépatites (Vaccination, dépistage et traitement). Un partenariat spécifique a été développé avec l’Association SOS HEPATITES et le Service de gastro-entérologie du CHG de LONS-LE-SAUNIER. Cette action sur les Hépatites s’est poursuivie et amplifiée en 2006 avec la pérennisation d’une consultation spécialisée au sein du CSST et la signature d’une convention avec SOS HEPATITES (rencontres individuelles ou collectives avec des “hépatants”). Dans le même objectif un travail de réflexion a permis de modifier le matériel stérile distribué pour les consommateurs par voie nasale.
A l’Assemblée Générale de mai 2006 une place est laissée libre au sein du Conseil d’Administration pour un représentant des usagers. Celui-ci est coopté en juin 2007 et siège depuis au sein du CA et des commissions de travail le concernant.
Les Kits de Snif sont devenus des “Roule ta paille”. Les usagers du Centre de Soins ont participé à la réflexion mais aussi à l’élaboration en nombre de ce nouveau kit. Notons enfin que ces kits sont désormais en accès libre dans le couloir de l’Association et sur les lieux de concerts ou intervient le Collectif.
En mai 2007 le CROSMS a validé l’agrément de PASSERELLE 39 en tant que CAARUD. L’échange de seringues, les kits de sniff, les interventions de nuits ou sous forme de boutique, etc, sont reconnues par ce nouvel agrément. Des personnes relais de la Réduction des Risques ainsi que le personnel et les partenaires de l’Association ont trouvé dans cette reconnaissance administrative une plus grande légitimité d’action.
Quels sont vos projets actuels ?
En quelques années l’Association a beaucoup grandi et s’est étoffé de nombreux services et dispositifs. Le département du JURA de part sa configuration rurale et montagneuse nécessite une logistique décentralisée et une polyvalence d’actions dans les différents sites desservis (Arbois, Poligny, Morez, Saint-Claude, etc).
L’année 2008 sera consacrée à consolider l’existant et à renforcer certaines actions par de nouveaux personnels (Assistant Social, Chef de Service, Médecins, etc). Un nouveau projet d’Etablissement est en chantier autour d’une demande d’agrément en tant que CSAPA (Centre Spécialisé d’Accueil et de Prévention en Addictologie).
Des Interventions de Proximitéauprès de Médecins Généralistes ont été expérimentées en 2007 et seront développées en 2008. Du personnel du CSST (Psychologue et Assistant Social) se déplace vers le cabinet du généraliste demandeur pour compléter son accompagnement médical par un volet social et psychologique.
Le tout nouveau CAARUD doit se développer dans plusieurs directions :
- Accueil de jour à LONS-LE-SAUNIER (nouveau local adapté), avec laverie, douches, consignes…
- Interventions de nuits dans les concerts par les membres du Collectif complétées par celles des salariés du CAARUD (Infirmiers, Educateurs)
- Augmentation et formalisation du dispositif avec les personnes Relais (formation, fournitures de matériel, débriefing,…). Celles-ci se déplacent sur les soirées ou dans des lieux spécifiques (squat, appartement privés,…) pour distribuer/récupérer
- du matériel de Réductions des Risques et diffuser de l’information sur la Réduction des Risques et les lieux ressources
- Développement des lieux d’accès aux “Roule ta paille” notamment dans le Haut Jura
Avec le représentant des usagers un travail spécifique sera mené pour recueillir l’avis des consultants des centres et leur proposer des outils culturels (journaux, revues, bibliothèque, Internet, sorties). Une boîte à idées et des rencontres individuelles ou collectives permettront des échanges entre l’institution et ses usagers.
Un accès au traitement par Méthadone dans une démarche de seuils adaptés est également à l’étude. Il vise à s’adapter aux nouvelles demandes d’usagers déjà substitués grâce à de la Méthadone “de rue”.
Comment voyez vous l’avenir ?
L’avenir du secteur, à l’instar du monde associatif, est toujours difficile à imaginer. Les cadres qui se mettent en place au niveau sanitaire et médico-social semblent aller dans le bon sens. Les CAARUD, CSAPA et autres Plan Addiction formalisent la place à part entière de l’usager de drogues dans les systèmes de prises en soins et d’accompagnement. Restera au législateur de pourvoir ces nouveaux dispositifs des moyens nécessaires à leurs fonctionnements.
Autre interrogation, le cadre judiciaire avec les mesures annoncées autour des stages cannabis. S’il est indéniable que l’obligation de rencontrer des soignants est utile pour certains consommateurs en difficultés. La confrontation en groupe, d’usagers, a sans doute également un intérêt notamment celui de réinscrire la personne dans un corps social. Ce qui nous interroge, c’est la disproportion des mesures et des montants de peines entre un consommateur de tabac, d’alcool et de drogues illicites. Pour le même délit de consommation d’une substance psychoactive les conséquences légales et pécuniaires sont très différentes. Les répercutions en termes de santé publique, de coût social ou même de mortalité semblent pourtant inversement proportionnelles aux peines encourues. Il y a là un paradoxe difficile à comprendre et encore moins à justifier en tant que soignant face à des usagers qui attendent un positionnement juste dans l’accompagnement du traitement de leur problématique addictive.
Par contre, et le paradoxe est de taille avec ce que nous venons de pointer, le législateur a inscrit la Réduction des Risques auprès des usagers de drogues dans le marbre de la loi de Santé Publique. Cette nouvelle légitimité d’intervention apparaît comme un espoir pour favoriser le contact et l’accompagnement d’usagers de plus en plus jeunes. Avec le VHC, les drogues de synthèses et toujours le VIH ce travail d’information et de réduction des dommages est un outil supplémentaire indispensable pour se positionner au plus près des réalités du phénomène drogue en ce début de 3ème millénaire.
L’espoir réside dans la force que représente la prise de conscience, par les usagers, des risques encourus et l’envie de se mobiliser pour soi et ses pairs face à ce défi de Santé Publique.
C’est avec Alain, le représentant des usagers que nous conclurons.
“Je ne suis pas d’ici. Arrivé il y a quelques années dans le Jura. Comme on ne voyage pas sans bagages, j’ai les miens qui sont ceux d’un ex, un ex-toxico, et si ce n’est pas le bon mot je suis aujourd’hui la suite de cet ex et je ne serai jamais guéri de lui.
Il m’a fallu passer par Passerelle où j’ai trouvé l’écoute, le soin, le respect.
Moi qui ai réussi à me construire une vie, une famille, au-delà des lourdes séquelles de ce passé encombrant, j’avais envie de donner de moi pour cette cause qui est la mienne, un morceau de ma vie qu’il faut toujours taire, cacher, une part de moi qui ne ferait pas bien sur un CV.
Et lorsque P B m’a proposé de devenir représentant, je me suis senti intéressé d’être appelé à me faire entendre, à exister, à parler, à tendre la main à d’autres. La confiance que m’ont accordée C S et P B m’a encouragé à participer au Conseil d’Administration, ou autres commissions, à organier des activités (la bibliothèque).
Les problèmes de maintenant ne sont plus ceux d’il y a 20 ans. Il me paraît important que chacun se connaisse, que nous nous connaissions les uns les autres et que nous soyons reconnus et représentés”.