5/ Le système onusien doit développer une approche coordonnée et cohérente des problèmes en matière de politique des drogues
Les structures actuelles traitant de la politique des drogues aux Nations Unies sont quelque peu le produit d’un accident historique. Avec la signature de Conventions successives sur le contrôle des drogues, il était devenu nécessaire de créer des institutions qui coordonnent la mise en œuvre de ces accords et veillent à ce que les États membres s’y conforment. L’Office international de contrôle des stupéfiants (OICS) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sont nés de ce processus et ont eu tendance à interpréter leur mandat de manière restrictive. L’OICS a beaucoup agi en tant que garant de l’esprit et de la mise en application des Conventions. Aujourd’hui, il outrepasse de plus en plus son mandat, n’hésite pas àcritiquer les États membres qui s’écartent de ce qu’il perçoit comme étant leurs exigences légales ou qui semblent affaiblir le consensus international, et ce, sans tenir compte du développement de la politique des Nations Unies dans les domaines concernés. L’ONUDC a d’abord agi, en termes de politique, comme un champion des approches basées sur la répression et comme le défenseur des structures et des programmes existants.
Au niveau national, il est admis que les politiques de drogues efficaces doivent être coordonnées dans plusieurs disciplines : la santé, l’application des lois, le développement social et économique et les affaires étrangères. Dans le système des Nations Unies, cette coordination n’existe pas. Les agences onusiennes ayant un intérêt significatif dans les questions de politique de drogues se tiennent à l’écart du sujet ou s’en remettent aux priorités ou aux positions des agences spécialisées relativement petites qui, de par leur nature, mettent l’accent sur la lutte contre la criminalité et sur la répression. Cette situation devient de moins en moins défendable à mesure que l’on observe des rapports de plus en plus clairs entre les marchés des drogues et le développement, la santé publique et les droits humains. Au vu de la politique de l’ONUDC, qui se penche désormais sur les liens entre les drogues, la criminalité et le terrorisme, il est à présent nécessaire de replacer le problème des drogues dans l’ensemble du système des Nations Unies.
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L’Organisation Mondiale de la Santé et l’ONUSIDA doivent obtenir un mandat plus important comparable à celui de l’OICS et de l’ONUDC, afin d’identifier les menaces pour la santé publique de l’usage de drogues et de l’addiction, et d’y répondre.
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Le PNUD, l’ONUSIDA, la FAO, la Banque mondiale et le HCNUR doivent davantage s’impliquer pour s’assurer que les actions menées contre la culture, la distribution et l’usage de drogue respectent les droits humains et les normes et priorités de développement tels qu’ils figurent dans la Charte des Nations Unies et les Objectifs du millénaire en matière de réduction de la pauvreté et de prévention du VIH.
Il existe potentiellement un rôle fort et positif à développer pour l’ONUDC et l’OICS, dans un système des Nations Unies mieux coordonné. L’OICS pourrait utiliser son large mandat, non pour critiquer les gouvernements en cas d’écart perçu par rapport aux aspects de répression des conventions sur les drogues, mais pour les aider à comprendre quel éventail de politiques et de pratiques serait le plus approprié pour la mise en application des directives provenant du système des Nations Unies dans son ensemble. Afin d’exécuter cette fonction élargie, il pourrait être nécessaire de revoir les critères de sélection des membres de l’OICS, actuellement choisis en priorité pour leur expertise en pharmacologie plutôt que pour leur connaissance du large contexte politique dans lequel s’inscrit l’usage de drogue.
L’ONUDC devrait davantage jouer le rôle d’un organe de coordination qui, outre ses fonctions normatives, faciliterait la cohérence d’une politique de drogues à l’échelle du système des Nations Unies, ferait office de centre d’excellence recensant et transmettant les meilleures pratiques en matière de réduction de l’offre, de réduction de la demande et de réduction des risques et proposerait (au travers de la CND) un forum dans lequel chaque État membre pourrait discuter de manière ouverte et objective des enjeux de la politique des drogues. Tous ces développements, et en particulier le dernier, dépendront de l’engagement des États membres à faire face aux véritables défis actuellement rencontrés en matière de politique internationale des drogues et de leur volonté de débattre et de mettre en place des solutions efficaces plutôt que de camper sur des positions dépassées et polarisées.
Les membres du Consortium international sur la politique des drogues ont conscience que la recherche d’approches efficaces dans le difficile domaine de la politique sociale est parsemée d’embûches. Nous avons synthétisé dans ce document d’information plusieurs questions très complexes et avons fait quelques recommandations pour le long terme. Nous considérons que ces positions s’appuient sur une évaluation objective des données et expériences disponibles à travers le monde. Cependant, nous savons qu’il n’existe aucune solution simple aux problèmes liés à l’usage répandu de drogues illégale et que ce qui fonctionne dans une situation peut s’avérer totalement inapproprié dans une autre. Nous allons donc poursuivre l’analyse continue des données disponibles, et lorsque qu’elles nous indiqueront que nos positions doivent être modifiées, nous les modifierons.
Il existe également d’énormes barrières politiques et diplomatiques à certains plans d’action que nous proposons. Tout en reconnaissant la complexité des relations internationales dans ce domaine, nous pensons qu’il est important d’avoir une position claire sur ce que nous estimons être les principes conducteurs d’une politique intelligente en matière de drogue, avant de nous engager dans un débat encore plus long sur la manière dont de telles politiques peuvent être poursuivies et mises en œuvre de façon réaliste.