Par Marie Debrus, Présidente de l’AFR
Quel sera l’avenir de notre mouvement pour la Réduction des Risques liés aux usages des drogues et celui de l’AFR ?
Si en 2004, le Ministère de la Santé a financé l’AFR, c’est que l’enjeu à l’époque était d’accompagner la création des CAARUD et l’expertise de l’AFR leur semblait importante afin de défendre un certain nombre de valeurs.
Aujourd’hui que la Réduction des Risques est devenue une politique publique de santé et que les CAARUD semblent » fonctionner, les pouvoirs publics, à travers la DGS, se désengagent financièrement (nous avons perdu 40% de nos financements) et, au-delà de 2014, l’AFR ne pourra plus continuer les activités qu’elle avait mises en place : Journées thématiques, Rencontres Nationales, formations, etc.
Néanmoins, plus que jamais, le combat pour la Réduction des Risques doit être mené.
Quand on passe en quelques années de la Réduction des Risques liés à l’usage des drogues à la réduction des dommages liés à l’addiction, il y a de quoi s’inquiéter de ce retour à la toute puissance médicale dans le domaine des drogues. Quand dans un rapport sur la politique de réduction des risques on valorise à l’extrême l’auto-support, la santé communautaire et la place active de l’usager mais qu’on » oublie d’en nommer dans son comité d’experts sensé rédiger ledit rapport, il y a aussi de quoi s’inquiéter.
Nous l’avions rappelé avec force lors des dernières Rencontres Nationales, la RdR n’est pas un simple mode d’emploi ou un référentiel qu’il s’agirait d’appliquer. Elle est bien plus que cela et concerne l’ensemble de la question des drogues : l’expérimentation, l’usage, l’abus, la dépendance.
Il semblerait que ces notions soient d’ailleurs mises aux oubliettes pour n’être remplacées que par cette notion d’addiction qui emporte tout sur son passage. L’usager, s’il n’est certes plus considéré comme toxicomane, se voit offrir la place de patient, le rendant irresponsable et malade.
Nos comportements sont passés à la moulinette du DMS IV et en ressortent sous forme de pathologies. Attention, la maladie nous guette.
Les risques ont disparus pour ne devenir que dommages. Si le risque est subjectif, il est surtout aléatoire, et même, dans une société qui se veut progressiste, une prise de risque n’est pas forcément négative et peut être même conseillée et valorisée, alors que les dommages, cela est du concret, rien d’aléatoire, mais obligatoire.
A l’AFR, nous restons sur la notion de consommateurs de drogues qui adoptent des stratégies pour réduire les risques éventuels, plutôt que des usagers » addicts qui se créent des dommages en consommant.
Même si l’approche médicale reste parfois nécessaire, il n’est pas acceptable qu’elle prenne toute la place. C’est une dérive dangereuse car normative.
La RdR s’éloigne de ses racines fondamentales
Les derniers évènements de Sevran ou des quartiers nord de Marseille sont venus rappeler avec force, s’il en était besoin, que les drogues ne sont pas qu’une question médicale, mais aussi une question sociétale, culturelle, économique. Si ces dimensions ne sont pas prises en compte, la RdR perdra sa capacité de » repenser la question de la consommation des drogues, qui fait toute sa force.
En 2016, l’ONU organisera sa seconde assemblée générale sur le thème des drogues, et un mouvement international se met en place pour dénoncer la » guerre à la drogue et demander un changement radical de politique. Bien qu’une des voix portant ce débat soit celle du Professeur Michel Kazatchine, la France est désespérément absente de ce débat. L’AFR se doit d’aborder cette question fondamentale pour nos sociétés.
Voilà les missions que nous souhaitons mener les prochaines années :
- Défendre au national les acquis des combats menés pour la réduction des risques et engager d’autres combats pour la santé, les droits et la participation des usagers
- Militer à l’international pour l’arrêt de la « guerre à la drogue » et la mise en place d’une légalisation contrôlée.
Complétez cette lecture en lisant le Manifeste AFR pour réformer la politique des drogues.