Communiqué de la Fédération Française d’Addictologie
L’Académie de médecine vient de publier un communiqué de presse pour réitérer son opposition à l’expérimentation de « salles de consommation contrôlée de drogues ». Plusieurs contradictions entachent cet avis et le privent du minimum de rigueur scientifique et médicale que l’on est en droit d’attendre de l’expression publique d’un tel organisme.
Les académiciens signataires reconnaissent d’un côté l’efficacité de la politique de réduction des risques en France qui a réduit considérablement la mortalité par le VIH et par overdose, mais ils en contestent de l’autre les fondements avec les mêmes arguments que ses détracteurs il y a vingt ans. L’affirmation lapidaire selon laquelle l’addiction est une maladie « qu’il convient de traiter et non d’entretenir » conduit à disqualifier toute mesure visant à diminuer les risques liés à l’usage avant qu’il ne puisse être arrêté.
Distribuer des seringues pour prévenir les contaminations infectieuses n’est ni traiter ni entretenir l’addiction, mais permet d’éviter de graves dommages liés à l’injection et d’ouvrir des possibilités d’accès aux soins. Permettre à des usagers très dépendants et précaires d’être accueillis et de bénéficier d’une éducation à la réduction des risques procède du même principe.
En érigeant comme condition que les injections supervisées ne concernent que des substances autorisées et contrôlées, les académiciens signataires font mine d’oublier que les usagers visés sont précisément des usagers de drogues illicites. En tout cas, si l’Académie maintient cette position, elle ne peut être que favorable à des programmes d’héroïne médicalisée que la FFA souhaite voir créés en France comme dans d’autres pays européens.
Les académiciens signataires mentionnent l’expertise collective de l’INSERM de 2010 mais ne disent à aucun moment que les conclusions de celle-ci sont totalement à l’opposé des leurs. Les experts de l’INSERM, après avoir analysé plus d’un millier d’articles et de rapports internationaux, ont en effet clairement affirmé que la création de salles de consommation supervisées constituait « une mesure complémentaire » efficace pour entrer en contact avec des usagers très désocialisés et à hauts risques, et pour leur permettre un accès aux soins. Cette conclusion est similaire à celle de tous les travaux d’experts réalisés dans le monde sur cette question.
Ainsi, l’Institut National de la Santé publique du Québec concluait en 2009 au terme d’un rapport de 81 pages que cette mesure « permet, à court terme, de sauver des vies, et à long terme de réinsérer des personnes usagères de drogues intraveineuses dans un mode de vie plus sain » (p. 46).
La Fédération Française d’Addictologie (FFA), qui réunit la plupart des associations professionnelles et des sociétés savantes en addictologie, rappelle son avis exprimé en mars 2010 : « Si elles s’inscrivent dans un ensemble de mesures cohérentes, les salles de consommations à moindre risque représentent un élément supplémentaire dans les stratégies de prévention et de réduction des risques liés aux pratiques de consommation de drogues illicites ».
Maillon supplémentaire d’accueil avant même les soins, destiné à des personnes qui n’en sont pas encore là, il s’agit peut-être d’abord de proposer un peu d’humanité à ces personnes qui s’injectent leur produit dans des conditions sanitaires parfois épouvantables : parkings, souterrains, toilettes publiques…sans parler des déchets qui en résultent. Et si en plus on peut discuter avec elles et les amener peu à peu vers une démarche de soin, qui pourrait s’y opposer ? Une société dite évoluée comme la nôtre peut-elle refuser cela ?
La FFA se félicite que les pouvoirs publics aient entendu son appel à la mise en oeuvre de cette mesure et annoncent l’ouverture prochaine d’une salle expérimentale à Paris. Elle recommande toutefois que cette ouverture s’accompagne d’une recherche scientifique qui en évalue l’efficacité dans le contexte français, cela évitera à certains académiciens ou responsables politiques de continuer à faire passer de l’idéologie pour de la science.