Députés, la politique internationale des drogues change. Et vous ?

Lettre ouverte de l’AFR

Mesdames et Messieurs les Député(e)s,

Le 27 novembre dernier, l’association ASUD, auto support des usagers de drogues, vous a transmis le dernier rapport de la Global Commission on Drug Policy afin de vous interpeller sur les conséquences négatives de la guerre à la drogue et la nécessité de mettre fin à la pénalisation des usagers.

Peu de temps après, des médias et des associations1 se sont mobilisés pour contester le soutien financier de l’Etat à cette association et dénoncer la politique de réduction des risques mise en place en France considérée comme laxiste face au fléau de la drogue.

Ces prises de position, idéologiques et sans aucune base scientifique avérée, sont inacceptables quand on sait que la politique de réduction des risques a permis de mettre fin à l’épidémie de SIDA chez les usagers de drogues et de diminuer de manière drastique le nombre d’overdoses.

Ces dernières années, un mouvement international se développe pour mettre fin à la politique de guerre à la drogue et ouvrir un débat en faveur de la sortie de la prohibition :

Une commission mondiale pour la politique des drogues a ainsi été mise en place, soutenue par des figures majeures sur la scène internationale telles que Kofi Annan, ancien secrétaire général des nations unies, Michel Kazatchkine, ancien directeur du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ainsi que Enrique Cardoso, ancien président du Brésil.

Ce mouvement pragmatique s’appuie sur des études scientifiques démontrant l’échec de la guerre à la drogue sur tous les plans, qu’il s’agisse de l’offre, de la demande ou de la réduction du nombre de consommateurs.

Cette guerre s’avère particulièrement désastreuse sur le terrain de la santé publique (augmentation des contaminations VIH (Sida) et VHC (hépatite C)), mais également en terme de sécurité. Par ailleurs, la prohibition est considérée comme un non-sens économique par de nombreux experts.

Les conventions internationales mises en place il y a 40 ans ont démontré elles-mêmes leur inefficacité. Le constat est là. Les connaissances scientifiques concernant les drogues, les marchés de production et de vente ainsi que les enjeux qui y sont liés ont évolué. Il est indispensable de revoir les politiques en matière de drogues aussi bien à un niveau national qu’international.

En France, l’équilibre financier entre la répression et la santé doit être réajusté : 80% du budget consacré aux drogues illicites concerne le répressif contre seulement 15% pour la santé et 5% pour la recherche2.

Aujourd’hui, l’Association Française de Réduction des risques liés à l’usage de drogues (AFR) souhaite mettre en place une commission française sur le même mode opératoire que la Global Commission on Drug Policy. Celle-ci permettrait de sensibiliser les décideurs et de redéfinir une politique française en matière de drogues. Non la réduction des risques n’est ni laxiste ni prosélyte. Elle est au contraire une réussite incontestable, trop souvent méconnue et inscrite dans la loi depuis le 9 août 2004.

Dans cette optique, nous vous serions reconnaissant de bien vouloir nous accorder une entrevue afin de clarifier avec vous les ambigüités démagogiques colportées par une certaine presse ou de concevoir quel pourrait être la nature de votre soutien.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les Député(e)s, l’expression de ma très haute considération.

Marie DEBRUS
Présidente de l’AFR
  • 1 Association Parents contre la drogue, Le Figaro du 17 janvier 2013, Valeurs Actuelles du 10 janvier 2013
  • 2 Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies
Date première publication :
02/02/2013

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