Communiqué de presse
Médecins du Monde, ASUD, le GREA, la FA, L’AFR et SOS Hépatites ont reçu le 22 octobre lors d’une réunin publique Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération suisse et Conseillère fédérale responsable du Département fédéral de l’Intérieur, et Michel Kazatchkine, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la lutte contre le sida en Europe de l’Est et en Asie centrale, membres de la Commission Globale de Politique en matière de Drogues pour le lancement Francophone de son rapport intitulé : L’impact négatif de » la guerre contre la drogue sur la santé publique. L’épidémie cachée d’hépatite C.
Le rapport appelle à renoncer aux politiques répressives en matière de drogues afin de stopper la propagation de l’épidémie d’hépatite C et des autres conséquences négatives des politiques de répression. La Commission globale de politique en matière de drogues appelle par la même occasion à la décriminalisation de la consommation de drogues et à l’extension de mesures de réduction des risques scientifiquement prouvées, afin d’endiguer l’épidémie d’hépatite C parmi les usagers de drogues.
Le rapport dénonce l’échec des politiques répressives en matière de drogues et recommande des réformes immédiates du régime international de prohibition des drogues afin de stopper la propagation de l’épidémie d’hépatite C et des autres conséquences négatives de la » guerre contre la drogue.
» La guerre contre la drogue est une guerre contre le bon sens, a déclaré Mme Ruth Dreifuss. » Les politiques répressives en matière de drogues sont inefficaces, violent les droits fondamentaux des personnes, génèrent la violence et exposent les individus et les communautés à des risques inutiles. L’épidémie d’hépatite C, totalement évitable et curable, est une preuve additionnelle que le statu quo en matière de politique drogues a lamentablement échoué.
« L’hépatite C est une des maladies les plus négligées par les gouvernements à l’échelle internationale», a déclaré le Pr. Michel Kazatchkine. » Il est triste de constater qu’à peine une poignée de pays peut effectivement montrer une diminution des nouvelles infections d’hépatite C chez les personnes qui s’injectent des drogues.
Il s’agit du troisième rapport publié par la Commission globale sur la politique en matière de drogues, un groupement constitué de dirigeants de haut-niveau, qui appelle à la réforme des politiques en matière de drogues vers une approche basée sur une perspective de santé publique, en mettant notamment l’accent sur la décriminalisation et en trouvant des alternatives à l’incarcération des usagers non violents. Publié en juin 2011, son premier rapport, la guerre contre la drogue, a généré une couverture médiatique sans précédent et a catalysé un débat international sur la nécessité d’un changement de paradigme pour le régime international de prohibition des drogues. Le deuxième rapport, intitulé La guerre contre la drogue et le VIH/SIDA, publié en juin 2012 peu avant la Conférence internationale sur le SIDA à Washington DC, a mis en évidence les liens entre la pandémie du VIH et la criminalisation de l’usage de drogues.
Eléments du rapport
Le virus de l’hépatite C est très contagieux et se transmet par contact sanguin. Il affecte ainsi de façon disproportionnée les personnes qui s’injectent des drogues. Dans certains des pays où les politiques de drogues sont les plus répressives, plus de 90% des personnes qui utilisent des drogues injectables vivent avec l’hépatite C. Globalement, le virus de l’hépatite C est trois fois plus répandu que le VIH parmi les usagers de drogues et la plupart des personnes infectées par le VIH qui consomment des drogues injectables vivent aussi avec l’hépatite C.
Partout dans le monde, la recherche a montré de façon constante que les politiques répressives en matière de drogues poussent les usagers à la marginalisation, augmentant les risques de contraction du VIH et du VHC et les empêchant d’accéder aux services de santé publique.
La » guerre contre la drogue, menée notamment par les États-Unis, la Russie et la Chine, a déjà causé des millions d’infections évitables. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, parmi les 16 millions de personnes qui s’injectent des drogues, 10 millions ont contracté le virus de l’hépatite C. Les chiffres les plus élevés sont rapportés par ces trois pays : la Chine (1,6 millions de personnes), la Fédération de Russie (1,3 millions de personnes) et les USA (1,5 millions de personnes).
Le virus de l’hépatite C provoque une maladie chronique qui s’avère mortelle dans environ un quart des cas. L’hépatite C est l’une des causes principales de mortalité chez les personnes qui s’injectent des drogues. Pourtant, s’ils sont délivrés à un stade suffisamment avancé et à l’échelle requise, les services de réduction des risques – tels que la fourniture d’aiguilles et de seringues stériles, l’accès à des centres d’injection sécurisés et à des traitements de substitution aux opiacés – peuvent prévenir efficacement la transmission de l’hépatite C chez les personnes qui s’injectent des drogues.
En Europe de l’Est et en Asie centrale, les épidémies d’hépatite C et de VIH sont toujours en croissance, et la consommation de drogues à injection est l’un des principaux facteurs de transmission.
Malgré des progrès certains en termes de fourniture gratuite par le gouvernement de traitements de l’hépatite C, le rapport décrit comment un pays comme la Lituanie, où 2,8% de la population générale et 80% de la population utilisant des drogues injectables sont infectés, n’arrive à atteindre finalement que 5% des personnes qui auraient besoin d’un traitement.
En Ukraine, où 260.000 usagers de drogues sont infectés par le VHC, suite aux efforts intenses de plaidoyer de la part de la société civile, un programme national de lutte contre l’hépatite C vient d’être approuvé, et ce, pour la première fois dans ce pays. Le prix des traitements a été divisé par deux au cours des négociations avec les sociétés pharmaceutiques.
Le rapport publié ce jour dénonce par ailleurs l’échec flagrant des politiques répressives sur la réduction de l’offre sur le marché mondial des drogues illicites, notant que l’approvisionnement mondial d’opiacés illicites comme l’héroïne, a augmenté de plus de 380% au cours des dernières décennies. La guerre contre la drogue contribue en outre à la croissance du crime organisé, à la violence et à l’incarcération à grande échelle des usagers de drogues. Or l’incarcération en masse des usagers non violents joue également un rôle majeur dans la propagation de la pandémie.